Fac de pharmacie : le bizutage, nouveau mode de séléction
Vols de cours, jets d'oeufs, cris incéssants... A la faculté de pharmacie de Paris V Observatoire, l'année de concours pour le passage en deuxième année est un véritable calvaire pour la majorité des étudiants. Déjà confrontés à la difficulté des cours et la pression de l'examen, les élèves subissent aussi un bizutage sévère. (Mauvaise) ambiance....
«Tsss! Tsss ! », siffle le fond de la salle. Le mot « sélection » vient d'être prononcé par le professeur de culture générale. Une scène quotidienne dans l'amphithéâtre Bussy. Dans cette arène, la séléction, justement, n'est pas naturelle : elle est opérée par des bizuteurs, une cinquantaine de doublants qui pertubent le cours du mieux qu'ils peuvent.
Ici, être assis, c'est déjà un privilège. Pour les chanceux rescapés d'une entrée presque asphyxiante, il faut ensuite éviter d'autres pièges. Car ces étudiants-gladiateurs règnent en maître dans cette arène, s'adonnant à tous les vices : huile et eau répandues dans les escaliers, jets d'oeufs tous azimuts, accaparement des meilleures places.
Si le bizutage est un jeu puéril, en « pharma » c'est un véritable moyen de pression sur les étudiants. Principale cible, les primants : « On veut pas perturber le cours du prof' mais gagner un maximum de places au concours. C'est comme ça, c'est la compétition ! », explique Caroline, doublante mais toujours déterminée. Sur 1000 candidats, seuls 280 sont admis en deuxième année. L'an passé, elle a terminé 350 ème : 70 places manquantes qu'elle compte aujourd'hui « gagner à tout prix ».
Malgré la loi Royal de 1998 interdisant ces actes « humiliants et dégradants », les bizuteurs, qui risquent six mois de prison et 7 500 euros d'amende, ne reculent devant rien : « On n'a pas de limites. Pour nous, c'est pas du bizutage, c'est la dure loi de la sélection. C'est partout pareil ! », ajoute Laurent, 21 ans, une boulette de papier mâché en main prête à servir.
« Calmez-vous, vous savez que j'aime pas trop çela », lance désabusé Nicolas Papon. Cet enseignant en biotechnologies a perdu tout espoir de faire cesser ce vacarme : « Evidemment, c'est aussi embêtant pour moi que poue pour ceux qui veulent suivre le cours. Je laisse faire car on ne peut rien faire », déplore-t-il.
"Dehors !"
Face au laxisme de la majorité des enseignants, les bizuteurs perpétuent la tradition. Une coutume aux conséquences alarmantes : l'an passé, plus d'un quart des primants ont abandonné avant même d'avoir passé le concours. « C'est vraiment épuisant au quotidien ! », se révolte une primantequi se plaint fréquemment de maux de tête. « On a déjà assez de pression, ce n'est pas la peine qu'ils en rajoutent ! ». « Moi je les comprends, l'an passé jai eu beaucoup de mal à m'adapter à toute cette ambiance. Maintenant, franchement, je les trouve ridicules : ça ne me stresse plus ! », confie Boris, doublant, les mains aggripées à sa pochette de cours.
Le cours d'informatique commence, les cris continuent : « Je ne suis pas là pour amuser la galerie : taisez-vous ou je quitte la salle ! », menace le professeur Benazeth. « Dehors, dehors ! », scandent pour toute réponse les bizuteurs. L'enseignante s'exécute. Les primants sont écoeurés, Caroline, elle, jubile : « On s'en fout, on l'a déjà ce cours ! ». Tout est bon à prendre pour ces bizuteurs.